Saviez-vous que l’homme qui tenta de sauver Louis XVI est né dans un château oublié de Haute-Loire ?
- Gorges du Haut-Allier
- 20 mai
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Dernière mise à jour : 23 mai

Au cœur des paysages vallonnés de la Haute-Loire, niché dans la discrète commune de Mazeyrat-d’Allier, se dresse le château de Cluzel, berceau d’un personnage oublié mais fascinant de l’histoire de France : François-Claude-Amour, marquis de Bouillé. Né dans ce château en 1739, ce général au tempérament loyal et énergique s’illustra au service du roi Louis XVI dans une des périodes les plus troublées de notre histoire. Stratège respecté et acteur central de la fuite manquée de Louis XVI à Varennes, ce natif de Cluzel aurait pu changer le cours de l’histoire.
Une naissance au château de Cluzel
🏰 Le château de Cluzel, encore debout aujourd’hui, est un joyau discret de la Haute-Loire, chargé d’histoire. C’est dans ce décor rural, entre montagnes et forêts, tout proche des Gorges du Haut-Allier, que François-Claude-Amour de Bouillé voit le jour. Issu de la noblesse, il reçoit une éducation militaire classique et s’oriente très tôt vers la carrière des armes, suivant les traces de ses ancêtres.
Une carrière militaire brillante
⚔️ Bouillé se distingue rapidement par son courage et son sens de la stratégie. Il combat notamment pendant la guerre de Sept Ans, puis se rend aux Antilles, où il défend avec succès les intérêts français. Son efficacité lui vaut la reconnaissance de la Cour, et il grimpe rapidement les échelons.
Mais c’est surtout pendant les premiers soubresauts de la Révolution française que le général entre dans l’histoire.
L’affaire de Varennes : le sauvetage raté de Louis XVI
Parmi les nombreux épisodes marquants de la Révolution française, la fuite manquée de Louis XVI en juin 1791, connue sous le nom d'Affaire de Varennes, est l’un des plus dramatiques.
Le nom de Bouillé reste indissociable de cet événement tragique.
Alors que le roi et sa famille tentent de quitter Paris pour rejoindre un bastion royaliste à l’Est, c’est le général de Bouillé qui orchestre leur exfiltration. Le plan est complexe, précis, et repose sur une coordination millimétrée entre plusieurs détachements militaires placés tout au long du parcours.
Un roi prisonnier de son peuple
👑 Depuis octobre 1789, Louis XVI et sa famille vivent aux Tuileries à Paris, sous surveillance constante. La monarchie absolue s’effondre, et le roi est peu à peu réduit à un rôle symbolique par l’Assemblée nationale. De plus en plus inquiet pour sa sécurité, Louis XVI envisage la fuite afin de rejoindre une zone encore contrôlée par des troupes fidèles à la monarchie.
C’est là qu’entre en jeu le général de Bouillé, loyal serviteur du roi, commandant militaire de l'Est de la France, basé à Montmédy (Meuse), près de la frontière avec le Luxembourg. Il dispose d’unités sûres, composées de soldats fidèles à la Couronne.
Un plan audacieux, mais trop visible
🗺️ Le plan consiste à faire quitter Paris à la famille royale dans une berline (une grande voiture tirée par six chevaux), en toute discrétion, en traversant la France d’ouest en est, pour rejoindre Montmédy, où les attendent des troupes royalistes prêtes à protéger le roi.
Bouillé organise les relais militaires tout au long du parcours. À chaque étape, des détachements de cavaliers doivent assurer la sécurité du cortège. Mais plusieurs éléments vont précipiter l’échec :
Le convoi est très lent, car il est lourd et luxueux : difficile de passer inaperçu.
Des retards s’accumulent, notamment à cause de pannes et d’hésitations.
La famille royale est reconnue à Sainte-Menehould par Jean-Baptiste Drouet, un maître de poste acquis à la Révolution, qui alerte les autorités.
À Varennes, le cortège est arrêté dans la nuit du 21 juin 1791.
Le roi et sa famille sont reconnus, arrêtés, puis ramenés à Paris sous escorte et sous les huées du peuple.
Le rôle de Bouillé : fidélité, stratégie… et imprudence ?
🧠 Le général de Bouillé avait mis beaucoup d’énergie et de ressources dans l’organisation de cette fuite. Mais plusieurs erreurs stratégiques lui sont reprochées :
Avoir trop visiblement déployé des troupes dans les villes étapes, éveillant les soupçons.
Ne pas avoir prévu de plan de secours en cas de retard.
Sous-estimer l’hostilité des populations locales, déjà gagnées aux idées révolutionnaires.
Lorsque Bouillé apprend l’arrestation du roi à Varennes, il comprend que tout est perdu. Il tente de mobiliser les troupes pour aller libérer la famille royale, mais les ordres sont confus et la résistance locale est trop forte. Il décide alors de fuir à son tour à l’étranger, pour échapper à l’arrestation et à une probable condamnation.
L’exil et la fin d’une époque
🌍 Après l’échec de la fuite, Bouillé, haï par les révolutionnaires mais salué par les royalistes, se réfugie à l’étranger, d’abord en Prusse, puis en Angleterre. Il publie des mémoires, dans lesquels il défend son action et sa vision de l’événement en justifiant ses choix, tout en dénonçant l’extrémisme révolutionnaire.
Contrairement à d’autres royalistes, il ne s’engage pas dans les soulèvements armés ultérieurs, mais reste un observateur attentif des bouleversements en France.
Il meurt en 1800 à Londres, loin de sa terre natale, sans avoir pu revoir le château de Cluzel.
Un personnage à redécouvrir en Haute-Loire
Aujourd’hui, peu de visiteurs de la Haute-Loire savent que cette terre a vu naître un acteur central de l’un des épisodes les plus dramatiques de la Révolution française. Le général de Bouillé fait partie de ces figures complexes, tiraillées entre l’ancien monde et les secousses d’une France en changement.
Son château natal de Cluzel, bien qu’à l’écart des circuits touristiques traditionnels, pourrait devenir un lieu de mémoire pour ceux qui souhaitent plonger dans cette époque charnière.
Un général oublié de l’Histoire ? Peut-être. Mais un homme d’honneur et de conviction, fidèle jusqu’au bout à ses valeurs.
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